Les pages suivantes n’ont pas pour but de mésestimer monsieur Jean-Marie Dayot ou les « Français au service de Gia-long », loin de là, elles n’ont pour objet que de rétablir la vérité historique. Pour bien cerner les faits et gestes de J.M. Dayot, on trouvera dans ces pages les extraits des textes le concernant qui sont tirés des livres ou des articles des personnalités et des historiens français. Ces extraits sont sous forme « copier-coller », si bien que les fautes de frappe, d’orthographe, de grammaire… y figurent telles quelles.
Sur Wikipédia en langue française sont retranscrits les « exploits » de monsieur Jean-Marie Dayot au secours de Nguyên Anh [au mois de Mai 2016]:
«Jean Baptiste Marie Dayot (1760-1809)2 était un officier de la Marine française et un explorateur, (et non un aventurier) qui vint au service de Nguyen Anh, futur empereur Gia Long d’Annam (aujourd’hui Viêt Nam).
Il est originaire d’une famille de Bretagne dont une branche celle de Thomas Dayot s’est fixée à l’Île-de-France (aujourd’hui île Maurice), et une autre celle de Laurent Dayot est restée en Bretagne. Jean Marie, issue de cette dernière, est né à Redon (et non pas à l’Île-de-France) le 25 juillet 1760.
Il devint Lieutenant de vaisseau auxiliaire de la Marine royale3. Il rencontra Mgr Pigneau de Béhaine à l’île Bourbon ou Pondichéry, et commanda un des deux bateaux commerciaux qui accompagnaient Pigneau de Béhaine avec le vaisseau La Méduse au Viêt Nam3 (1)
Il entra au service de Nguyen Anh en 1790 au commandement d’une division composée de deux vaisseaux européens appartenant au futur empereur (2). En juillet 1792, il menait une expédition pour Nguyen Anh, il coula cinq vaisseaux, quatre-vingt-dix galères et environ cent bateaux plus petits des Tay Son. Il fit débarquer à Qui Nhon des troupes qui y détruisirent les forts avant de retourner au port de Can-Tru4 (3). En 1793 fut mise en place l’expédition annuelle (Giac mua) (4), alors que les troupes terrestres commandées par Olivier de Puymanel allaient de nouveau à Qui Nhon (5). Il captura soixante galères Tay Son3 et les provinces de Binh-Thuan et Phu-Yen furent conquises, même si la ville de Qui Nhon ne l’était pas.
Jean-Marie Dayot effectua également un travail hydrographique considérable, en relevant les côtes vietnamiennes, dont les cartes étaient dessinées par son frère5 et un double était envoyé à Paris (6). Il donna son nom à Port-Dayot (Van Phong).
En 1795, Jean-Marie Dayot fut accusé injustement d’avoir échouer (sic) volontairement le navire qu’il commandait. En effet, il n’était même pas à bord. (7)
Il fut condamné pour négligence et mis à la cangue. Les interventions d’Olivier de Puymanel et de l’évêque d’Adran mirent fin à ce supplice qui aura durer (sic) néanmoins 4 jours.
Dégoûté d’avoir été ainsi remercié pour ses immenses services rendus, il quitta la Cochinchine. (8)
Jean-Marie Dayot partit s’installer à Manille, d’où il commerçait avec le Mexique. Il mourut en 1809 lors du naufrage de son bateau dans le golfe du Tonkin (9). Son frère mourut à Macao en 1821.
Le gouvernement français lui adressera un cercle astronomique en 1820 en reconnaissance de ses services. L’amiral Rigault de Genouilly fit donner son nom à un aviso de première classe de la Marine nationale (a), qui s’est depuis perdu dans un naufrage lors d’un cyclone dans la baie de Tamatave, le 22 février 1888 ».
Carte de Saigon par Jean-Marie Dayot (1795) (10)
A côté, il y a une photo de Jean-Marie (assis) et Félix Dayot (debout) avec une notification concernant Jean-Marie Dayot :
« Naissance : 1760 Redon, France.
Décès : 1809 Golfe du Tonkin * Royaume de France (11).
Allégeance : Vietnam (12) [figuré comme tel au mois de Mai 2016, puis corrigé au mois de Décembre 2016, par Allégeance : Royaume de France, Vietnam].
Grade : Grand amiral de la flotte annamite et commandant des bâtiments français de l’Annam (13).
Conflits : Bataille de Qui Nhon (1792).
Distinctions : Marquis de Tri Lüoc1 (14). Autres fonctions : Délégué Impérial (Mandarin)1 (15).
Famille : Laurent Dayot, son père. Le Comte d’Ayot, son frère. Thomas Dayot, son oncle. »
Au-dessous, figure une carte du port de Qui Nhon marquée « Le port de Qui Nhon par Jean-Marie Dayot (1795) ».
Et enfin, les notes et références.
Notes et références [modifier | modifier le code]
Salles, p. 199
Histoire militaire de l’Indochine française, dir. général Puypéroux, Hanoï-Haiphong, imprimerie d’Extrême-Orient, 1931, Exposition coloniale internationale de Paris de 1931, p. 20
Mantienne, p. 156
Bibliographie [modifier | modifier le code]
Taboulet, Georges 1955 La Geste française en Indochine : 1615-1857.
Mantienne, Frédéric 1999 Monseigneur Pigneau de Béhaine, Éditions Églises d’Asie, 128 Rue du Bac, Paris, (ISSN 1275-6865) (ISBN 2914402201)
Salles, André 2006 Un mandarin breton au service du roi de Cochinchine, Les Portes du Large (ISBN 291461201X)
Demarriaux Maurice 2004. la vie aventureuse de Victor Olivier de Puymanel, alias ông Tin. L’Harmattan.
(a) : Croiseur de 3e classe et non de 1ère classe, d’après Taboulet dans La Geste Française en Indochine, tome 1, page 250.
Ce sont des contre-vérités historiques, malheureusement elles sont répétées, développées, amplifiées par certains historiens et auteurs coloniaux français de cette époque ou d’après. Ces propos ont influencé la plupart des historiens et auteurs vietnamiens qui les ont pris comme références bibliographiques pour écrire leurs livres d’histoire ou leurs articles. Des générations d’élèves et d’étudiants, y compris moi-même, ont étudié ces « vérités historiques » erronées. Ceci est dû, peut-être, au fait que Le Đại Nam Thực Lục Chanh Biên, 大南寔錄正編, (Chroniques Véridiques du Dai Nam, ou Annales du Dai Nam, composées de plus de 10 000 pages)* n’était pas bien connu par la plupart des historiens vietnamiens, avant 1975. Cette oeuvre ne fut traduite en vietnamien qu’en 1978, par l’Institut des Sciences Sociales de Hanoi (Viện Khoa Học Xã Hội Việt Nam, Hanoi), rééditée pour la 1ère fois, en 2001 (plus de 6 000 pages, format A4, taille de police 10), comme d’autres ouvrages historiques écrits en caractères chinois le furent en vietnamien très récemment, tels Le Đại Nam Liệt Truyện 大南列傳 (Biographies du Dai Nam) en 1993, Le Khâm Định Đại Nam Hội Điển Sự Lệ 欽定大南會典事例 (Protocoles Impériaux du Dai Nam) en 1993…
*Le Đại Nam Thực Lục Chánh Biên et les autres ouvrages historiques étaient écrits en caractères chinois, parsemés, de temps à autre, de caractères Nôm, caractères démotiques sino-vietnamiens [pour pouvoir prononcer en vietnamien, par exemple le mot « gạo » (le riz) est noté par le caractère ?, composé du caractère chinois « mễ/mǐ 米 » (riz) pour en donner le sens et du caractère chinois «cáo/gào 吿 » (informer) pour en donner le son « gạo » (le riz) en vietnamien], et de syntaxe grammaticale vietnamienne [par exemple, les vietnamiens disent « nhà trắng » 家壯 (maison blanche), les chinois disent « bạch ốc /bái wū » 白屋 (blanche maison)].
Ces chroniques nous donnent des faits véridiques de première main, élaborées impartialement par des grands mandarins de renom et de grandes familles. Beaucoup d’historiens français et du monde entier les consultent avec intérêt. C’est ainsi, après plus de 200 ans, et pour la première fois, que monsieur Nguyễn Quốc Trị, ancien directeur de l’Ecole Nationale d’Administration de Saigon, a dénoncé ces duperies dans son livre Nguyễn Văn Tường (1824-1886) và Cuộc chiến chống Đô Hộ Pháp của nhà Nguyễn (Nguyên Van Tuong (1824-1886) et la Lutte contre la Domination Française de la Dynastie des Nguyên), paru en 2013 à Maryland, USA. Monsieur Nguyễn Quốc Trị a mis 12 années pour parcourir les bibliothèques et archives des Etats Unis, d’Europe, surtout de France, pour consulter plus de 400 documents, retraçant les événements de cette période, en les analysant, en les comparant avec beaucoup de soin, pour rédiger son œuvre. Par la suite madame Thụy Khuê, chercheuse en histoire et en littérature vietnamiennes, habitant près de la Bibliothèque Nationale de France à Paris, après avoir lu monsieur Nguyễn Quốc Trị, a continué les recherches sur les « mérites » des Français, en publiant son livre Khảo sát công trạng của những người Pháp giúp vua Gia Long (Examen des mérites des Français au service de l’empereur Gia Long), édité au mois de septembre 2015, à Paris.
Depuis la traduction en vietnamien des ouvrages historiques écrits en caractère chinois, beaucoup d’intellectuels ont réécrit l’histoire du Vietnam, sous formes d’articles publiés sur Internet, comme ceux des auteurs Nguyễn Duy Chính, Triệu Minh Di, Võ Hương An, Nguyễn Văn Lục…
La France glorieuse que j’aime et dont je fais partie, avec sa brillante culture et ses illustres enfants de renom international, respectés du monde entier, n’a pas besoin de ces contre-vérités historiques pour se valoriser.
Je vais essayer de rétablir, point par point, dans la limite de ma connaissance, la vérité des rubriques que j’ai notées ci-dessus, émanant des écrits des personnalités et des historiens français, en me basant en grande partie sur les recherches et les publications de Monsieur Nguyễn Quốc Trị.
A – Services rendus à Nguyên Anh.
I – Grand Amiral.
Grand amiral de la flotte annamite et commandant des bâtiments français de l’Annam. Délégué Impérial (rubriques (13), (14) et (15) ci-dessus).
Lisons monsieur Louis-Eugène Louvet dans son livre La Cochinchine Religieuse, tome I, Editeur Ernest Leroux, Paris, 1885, Pièces justificatives, pages 532-533 :
« Diplôme accordé par le Roi de Cochinchine à M. DAGOT (sic) (Dayot).
S.M. s’étant fait rendre compte de la fidélité et du zèle du sieur Jean-Marie Dagot (sic) (Dayot), Français de nation, à procurer le bien de son service, et faisant surtout une attention particulière à la bonne volonté dont il a donné des preuves en venant de si loin s’offrir à servir dans sa marine, Sa Majesté l’a jugé digne d’être choisi, et le constitue, par ces présentes, capitaine de ses vaisseaux (a), lui confiant, en même temps, le commandement en chef de la division de deux de ses bâtiment, le Dong-naï, et le Prince de Cochinchine sous le titre de Kham sai cai doi (b) quan chieu tau nhi chich tri Luoc hau. S.M. espère que, quand le temps en sera venu, le dit sieur Jean-Marie Dagot (sic) (Dayot), en même temps qu’il se signalera par sa bravoure et son intelligence à commander les vaisseaux qui lui seront confiés, ne se rendra pas moins recommandable par sa sévérité à faire observer la discipline militaire. S’il arrivait que, par sa faute, il ne répondît pas à ce qu’on attend de lui, dans la place importante qu’il occupe, il mériterait d’être puni selon toute la rigueur des lois.
Le 15e jour de la 5e lune de la 51e année de Canh-Hung, (à Saïgon, le 27 juin 1790) ».
Louvet prétendait que ce «diplôme» (ordonnance royale de nomination) était traduit par Olivier de Puymanel, ce que je ne crois pas, car les lettres d’Olivier étaient truffées de fautes d’orthographe et de grammaire [Voir Léopold Cadière, Les Français au service de Gia-Long, Leur Correspondance, BAVH, tome IV, 1926, pages 363 et suivantes].
Consciemment ou inconsciemment, Louvet a traduit les deux mots Cai Đội (該隊) par « capitaine de ses vaisseaux » en (a) ci-dessus, cette « erreur » a été corrigée par le père Léopold Cadière, co-fondateur et rédacteur en chef des Bulletins des Amis du Vieux Huê (BAVH), dans Les Français au service de Gia-Long, Leurs Noms, Titres et Appellation annamites, BAVH, tome I, 1920, page 166, en consultant les archives de l’archevêché de Saigon. Cadière les traduisait par « commandant de compagnie », mais Henri Cosserat avait transformé les mots « capitaine de ses vaisseaux » par « capitaine de vaisseau » (équivalent au grade de Colonel dans l’armée de terre) [Voir Cosserat. Notes biographiques sur les Français au service de Gia-Long, BAVH, tome III, 1917, page 179. Cai 該 : diriger ; Đội 隊 : équipe/compagnie (Hán Việt Từ Điển, Dictionnaire Chinois Vietnamien. Đào Duy Anh)].
D’après les Annales de Gia-Long (ou Chroniques Véridiques du Đại Nam, époque de Gia Long, Đại Nam Thực Lục Chánh Biên, Thế Tổ Cao Hoàng Đế 大南寔錄正編, 世祖高皇帝) du 4e mois de l’année Giap-Ty (mai 1804) ou la première réédition 2001, tome 1, pages de 545 à 548, les mandarins ou les militaires étaient classés du 9e rang au 1er rang et pour chaque rang (grade), il y avait la 1ère classe (chánh 正, principal) et la 2e classe (tòng 從, auxiliaire) [18 grades en tout]. Le Cai Đội était de l’ordre du 5e rang, 2e classe, équivalent au grade de Sous-Lieutenant dans l’armée actuelle. En effet, sous Nguyên Anh, l’armée était composée de 5 corps (du Centre, de Gauche, de Droite, de l’Arrière et de l’Avant), plus le corps des Eléphants, le corps de la Cavalerie (buffles remplacés au fur et à mesure par les chevaux) et de la Flotte de la Marine de guerre. L’unité de base était le Ngũ (伍) composé de 5 hommes ; le Thập (什) composé de 2 Ngũ soit 10 hommes, commandé par un Đội Trưởng (隊長) ; le Đội (隊) composé de 4 à 6 Thập, soit d’environ 50 hommes, commandé par un Cai Đội (該隊), c’était le cas de monsieur Jean-Marie Dayot [Annales de Gia Long du 5e mois de l’année Canh-Tuât, 1790 ou 1ère Réédition op.cit, tome 1, page 233]. Le Cai Đội (6e rang, 1ère classe ou au mieux 5e rang, 2e classe) était le chef d’une section composée d’environ 60 hommes, mais pas le chef d’une compagnie composée d’environ 240 hommes [Voir Grades et Unités de l’Armée Française en 1914, sur Internet].
Le vrai grade retrouvé par Cadière à l’archevêché de Saïgon et publié dans BAVH [tome I, 1920, page 166], est : Khâm Sai Cai Đội Trí Lược Hầu quản chiếu tàu nhị chích (en démotique sino-vietnamien : 欽差該隊智略侯管照艚二隻), [Khâm Sai : Délégué royal ; Cai Đội : Chef de Section ; Trí Lược Hầu : Marquis Tri Luoc ; quản chiếu : responsable, commandant ; tàu : bateau, vaisseau ; nhị chích : deux unités], Chef de Section, délégué royal, Marquis Trí Lược, responsable de 2 navires ou selon Cadière : Commandant de compagnie, délégué royal, Marquis Tri Luoc, commandant de 2 navires. Les vietnamiens disent quản chiếu 管照, les chinois disent chiếu quản 照管 zhào guǎn (verbe : prendre soin de / s’occuper de / veiller sur / se charger de) [Dictionnaire Chinois Français. Chine-Nouvelle.com, sur Google]. Le caractère Tàu 艚 est du démotique sino-vietnamien, composé de 2 caractères chinois : Chu/zhòu 舟 = bateau, pour donner le sens, et Tào/cáo曹 = groupe / offices administratifs, pour donner le son Tàu (embarcation/navire/vaisseau) en vietnamien.
Notons aussi que le titre Khâm Sai (délégué royal ou impérial) en (b) ci-dessus, était donné à toute personne qui agissait aux ordres directs du roi/empereur, surtout si elle avait des relations avec les autorités étrangères : c’était le cas de monsieur J.M. Dayot et des autres étrangers, car ils parlaient, plus ou moins, les langues étrangères (le français, l’anglais, l’espagnol, le portugais…) et étaient souvent envoyés à l’étranger pour vendre les produits du pays en échange de l’achat de matériel militaire (vaisseaux, canons, fusils, poudre…); et le titre Comte (Bá 伯) était donné aux mandarins ou militaires méritants de rang inférieur du 6e rang, 1ère classe.
Le même jour, le 27 juin 1790, Nguyên Anh avait nommé 4 autres Français qui étaient sous les ordres de J.M. Dayot, et leur avait donné un ordre de mission. Il s’agissait de Philippe Vannier, Cai Đội Chấn Thanh Hầu (Chef de Section, Marquis Chân Thanh), commandant du Dong-Naï ; Julien Girard de l’Isle Sellé, Cai Đội Long Hưng Hầu (Chef de Section, Marquis Long Hưng), commandant du Prince de Cochinchine ; Jean-Baptiste Guillon, Phó Cai Đội Oai Dõng Hầu (Sous-Chef de Section, Marquis Oai Dõng) ; Guillaume Guilloux, Phó Cai Đội Nhuệ Tài Hầu (Sous-Chef de Section, Marquis Nhuệ Tài). Les deux derniers faisaient partie de l’équipage de ces deux navires cités précédemment [Louvet, op.cit, pages 534 à 538].
Le lecteur s’étonne de voir le titre de noblesse « Marquis » accordé tout de suite aux Français de 6e rang, 1ère classe ou au mieux 5e rang, 2e classe, dans la hiérarchie du 9e au 1er rang, à leur nomination, alors que le Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères de Louis XVI, n’était que Comte (Comte de Montmorin), ou le Comte Conway, Gouverneur Général des établissements français en Inde et Gouverneur de l’Ile de France en 1789… Le problème venait de la propagande politique : les ennemis directs de Nguyên Anh étaient les Tây Son qui distribuaient généreusement les grades Amiral (Đô Đốc 都督), Grand Amiral (Đại Đô Đốc 大都督) et les titres de noblesse à des pirates de mer chinois de la région, qui étaient leurs alliés. Il s’agissait non seulement du titre de Marquis (Hầu 侯), mais aussi de titres plus élevés comme Duc (Công 公), Roi (Vương 王) [Voir Murray, Dian H. Prirates Of The South China Coast 1790-1810. Calif.: Stanford University Press, 1987, pages 33 à 56; et Lịch Triều Hiến Chương Loại Chí, 歷朝憲章類誌, Chartes de Gouvernance à travers les Dynasties de Phan Huy Chú, ouvrage compilé de 1809 à 1819, traduit par l’Institut d’Histoire, Hanoï, 1960, 5e Réédition en 2005, tome 1, page 610 ou page 631 sur Internet; et Việt Thanh Chiến Dịch. Vai trò của Hải Phỉ trong chiến thắng Kỷ Dậu, Campagne des Qīng au Vietnam. Rôle des Pirates de mer dans la victoire de l’année 1789, Nguyễn Duy Chính, 02/2004, sur Internet], comme Liang Kuei-Hsing/Ho/He (Lương Khuê Hiệp) a été élevé au grade d’Amiral avec le titre Ho/He-Te Hou (Hiệp Đức Hầu 俠德侯, Marquis Hiệp Đức) ou Mo Guan Fu 莫觀扶 (Mạc Quan Phù) a été élevé au grade de Grand Amiral avec le titre de Dong-Hai Wang 東海王 (Đông Hải Vương, Roi Đông Hải, Roi de la Mer de l’Est)…
En ces temps, les titres de noblesse existaient, par ordre décroissant, Vương 王 (Roi), Công 公 (Duc), Hầu 侯 (Marquis), Bá 伯 (Comte), Tử 子 (Vicomte), Nam 男 (Baron), et n’étaient pas héréditaires. Nguyên Anh a reconnu lui-même, que pour concurrencer les Tây Son, il avait anobli beaucoup de mandarins et officiers par le titre Hầu (Marquis), par contre les titres Công 公 (Duc) (il y avait 3 classes : Quận Công 郡公, Công 公, Quốc Công 國公 que l’on pourrait traduire en Duc de Région (ou Duc de 3e classe, d’après Léopold Cadière), Duc (ou Duc de 2e classe), et Duc de la Nation (ou Duc de 1ère classe)) étaient anoblis avec un choix minutieux, pour des hauts faits d’arme, ou de grands mérites, réservés aux grands mandarins ou aux officiers supérieurs, c’est pourquoi, Nguyên Anh a changé le protocole d’anoblissement en 1804 [Annales de Gia-Long, 4e mois de l’année Giap-Ty (mai 1804), op.cit. ou tome 1, pages 545 à 548]. Sous les règnes des empereurs Minh Mạng, Thiệu Tri, Tự Đức, ces titres de noblesse étaient accordés très rarement et seulement aux grands mandarins et aux officiers supérieurs très méritants du 3e rang et au-dessus. Comme par exemple le grand Général Nguyễn Tri Phương, avec ses nombreux faits d’arme, et ses grands mérites, nommé au poste de Ministre des Travaux Publics, 2e rang, 1ère classe, a été anobli au titre de Tráng Liệt Tử, Vicomte Tráng Liệt [Chroniques Véridiques du Đại Nam, tome 6, page 1163]. Au décès de l’Empereur Thiệu Trị, il a été désigné comme Régent avec le titre de Tráng Liệt Bá, Comte Tráng Liệt [Chroniques Véridiques du Đại Nam, tome 7, page 39]. Le père Cadière disait « les marquis semblent avoir pullulé sous Gia-Long » [Cadière. BAVH, op.cit., tome II 1922, page 169].
Ces titres de noblesse accordés aux « Français au service de Gia Long » devraient impressionner les historiens et auteurs coloniaux français, de là ils ont déifié leurs faits et gestes.
Comme il y avait beaucoup de personnes anoblies par les Tây Son et Nguyên Anh, on procédait habituellement en prenant le prénom de la personne, suivi d’un superlatif pour l’anoblir. Tous les prénoms vietnamiens ont un sens. Les parents choisissent les beaux prénoms pour leurs enfants, comme Anh 英 (intelligent/talentueux/beauté), Dũng 勇 (courageux/brave/vaillant), Huy 輝 (lumineux/beauté/charmant)… Trí 智 (intelligent/intellectuel) était le prénom vietnamien de J.M. Dayot (Nguyễn Văn Trí 阮文智), suivi du superlatif Lược 略 (stratagème/habile), Trí Lược Hầu 智略矦, le père Léopold Cadère le traduisait par « le marquis au jugement rempli de prudence ». En réalité, le titre « Trí Lược Hầu » n’avait rien d’extraordinaire.
Le nom de famille Nguyên (Nguyễn) est très répandu au Viêt Nam, c’est comme les Durand ou Dupont en France. On évalue à 40% le nombre de vietnamiens portant ce nom. Par ailleurs le nom Nguyên donné à J.M. Dayot n’est en aucune façon le nom de la famille impériale car il était interdit d’usage au peuple. Ce nom impérial est Nguyễn-Phước/Phúc 阮福 (le caractère chinois 福 a 2 prononciations : Phúc au nord de Thanh Hóa, et Phước au sud de Thanh Hoá, Thanh Hóa compris). « Nguyên Anh » (Nguyễn Ánh) était le nom donné par les Français et a été repris par un grand nombre d’historiens vietnamiens. Le vrai nom de Nguyên Anh est Nguyễn-Phước Ánh 阮福映. Les noms des communes, districts, provinces sont réservés uniquement pour anoblir les princes et princesses de sang, par exemple, le prince de sang Nguyễn-Phước Hạo (frère aîné de Nguyên Anh), mort au champ de bataille, a été anobli par titre de Tương-Dương Quận Công (Duc de 3e classe du district (huyện) Tương-Dương, un des 4 districts du grand district (phủ) de Trà-Lân, de la province de Nghệ-An). Les historiens et les auteurs coloniaux français ont gonflé le titre de noblesse de J.M. Dayot (et des autres « Français au service de Gia Long ») pour l’élever au grade de Grand Amiral…
Un chef de section ou mieux un commandant de « compagnie », soit, au mieux, du 5e rang, 2e classe [9e grade parmi les 18 grades], n’aurait pas pu être le Grand Amiral de la flotte ! Même un officier supérieur responsable de 2 vaisseaux ne pourrait pas l’être. Quel grade doit-on donner alors à un officier responsable d’une dizaine ou d’une centaine de vaisseaux ? Le vrai Amiral de la flotte de ce temps était Monsieur Nguyễn Văn Trương, Commandant en Chef de tous les vaisseaux et embarcations de guerre des 5 corps d’armée (plus de 1 000 unités), avec le grade de 2e rang, 1ère classe, Giám Quân Trung Dinh, Chưởng Cơ, quản Thủy Binh 5 doanh, Inspecteur Général du corps d’armée du Centre, Général responsable de la Marine de guerre des 5 corps d’armée [Annales de Gia Long, page 287 et Biliographies du Dai Nam, tome 2, page 137]. Il a été élevé au grade de Chưởng Dinh Trung Quân, Đại Tướng Quân, Général du corps d’armée du Centre (1ère rang, 1ère classe), au mois de Juin 1801, avec le titre de noblesse Quận Công (Duc de 3e rang) [Annales de Gia Long, op.cit., page 410]. Il fut nommé Gouverneur de Hanoï en 1803, et Gouverneur de Gia Định en 1805 [Biographies du Dai Nam, tome 2, page 144]. Il est honoré au temple des Associés de Droite du Thế Miếu (Temple pour honorer les Empereurs défunts des Nguyễn, à Huê), avec le titre posthume : Tá Vận Công Thần, Đặc Tấn Tráng Võ, Đại Tướng Quân, Đô Thống Phủ Chưởng Phủ Sự, Thái Bảo, Đoan Hùng Quận Công, 佐運功臣 特進壯武 大將軍 都統府掌府事 太保 端雄郡公 (Serviteur méritant, élevé par mesure exceptionnelle au titre de Redoutable Guerrier, Généralissime, Chef d’Etat-Major Général, Précepteur du Prince héritier (Thái Bảo太保 Grand Protecteur), Duc (du 3e rang) de Doan Hung), [Voir Léon Sogny, Les Associés de Gauche et de Droite au culte du Thê Miêu, BAVH, tome II, 1914, page 135].
II – Les services rendus par Jean-Marie Dayot à Nguyên Anh.
Passons aux rubriques (1) et (2) ci-dessus : Il devint Lieutenant de vaisseau auxiliaire de la Marine royale3. Il rencontra Mgr Pigneau de Béhaine à l’île Bourbon ou Pondichéry, et commanda un des deux bateaux commerciaux qui accompagnaient Pigneau de Béhaine avec le vaisseau La Méduse au Viêt Nam3.(1)
Il entra au service de Nguyen Anh en 1790 au commandement d’une division composée de deux vaisseaux européens appartenant au futur empereur (2).
Dans Les Français en Cochinchine au XVIIIe Siècle : Mgr Pigneau de Béhaine Evêque d’Adran. Pièces Justificatives, éditeur Augustin Challamel, 1891 Paris, page 201, Alexis Faure était assez vague sur le grade de monsieur J.M. Dayot**. Son nom ne figurait sur aucun rôle d’équipage donnant les noms des marins congédiés ou déserteurs, des 12 bâtiments de guerre qui, recensés par Faure, fréquentaient les mers de l’Inde, du Viêtnam et de Chine à cette époque. Faure avait écrit que J.M. Dayot fut Lieutenant de Vaisseau Auxiliaire du cadre colonial (Pondichéry ?), mais il commanda les navires de commerce. Nous savons bien que les officiers du cadre colonial et surtout auxiliaires, avaient une formation assez sommaire, car il manquait de personnel. Cette formation avait pour but d’encadrer les troupes indigènes. Les Seconds-Maîtres ou les Maîtres auraient pu être nommés « officiers de Vaisseau » [Voir Recueil général des lois, décrets, ordonnances, etc: depuis le mois de Juin 1789 jusqu’au mois d’Août 1830. Odilon Barrot. Tome 6. Editeur : A l’Administration du Journal des Notaires et des Avocats, rue Condé, n° 10, 1839, Paris, page 280]. Un officier ou mieux, un commandant des petits caboteurs n’avait pas la formation nécessaire pour être Lieutenant de Vaisseau. Soit, monsieur J.M. Dayot fut Lieutenant de Vaisseau auxiliaire du cadre colonial (Pondichéry ?).
Je profite de cette partie pour parler brièvement du cas des Officiers des navires de commerce :
Pour la marine marchande française, avant la formation des officiers polyvalents, les officiers étaient divisés en 2 catégories, les « Officiers Pont » et les « Officiers Machine ». A bord de navires de commerce de long courrier (Brevet de Capitaine au Long Cours et Brevet d’Officier Mécanicien de 1ère Classe), en principe, il y avait le Capitaine (à bord, on l’appelle Commandant), le Capitaine en second (à bord, Capitaine. Il devait faire 3 heures de quart par jour) et les 3 officiers : le 1er, le 2e et le 3e Lieutenant (chacun devait faire 7 heures de quart par jour); à la machine, il y avait le Chef Mécanicien, le Chef Mécanicien en second (à bord, Second Mécanicien), le 3e Officier Mécanicien et le 4e Officier Mécanicien (à bord, le 3e Mécanicien et le 4e Mécanicien). Pour le Cabotage, les brevets des « Officiers Pont » étaient le brevet de Capitaine de la Marine Marchande, le Brevet de Chef de Quart et ceux des « Officiers Machines » étaient les brevets d’Officier Mécanicien de 2e et de 3e Classe. Le Capitaine et le Capitaine en second devaient faire les quarts, avec un seul Lieutenant ou rarement avec 2 Lieutenants (1er et 2e Lieutenant). C’était le cas de monsieur Laurent Barizy « employé sur un vaisseau de transport comme 2e Lieutenant » [BAVH, Tome 4, 1926, page 398]. [Note personnelle ou http://www.afcan.org/dossiers_reglementation/hydrosup.html. Réglementation et sécurité maritime à bord des navires].
Lisons Maybon dans La Relation sur le Tonkin et la Cochinchine de M. de La Bissachère, missionnaire français (1807), Librairie ancienne Honoré Champion, Paris, 1920, page 27 :
« … Jean-Marie Dayot était d’origine bretonne… En 1786, commandant de la polacre (ou polaque, petit bâtiment à deux mâts), l’Adélaïde, armée à l’Ile de France pour aller prendre à Pointe-de-Galles et à Mascate du salpêtre et des épices, il fut pris par des pirates mahrattes… ».
Les deux navires le Dong-Naï et le Prince de Cochinchine que Nguyên Anh lui avait confiés, étaient des navires de commerce, ils étaient, peut-être, armés sommairement de quelques canons, en prévision des pirates de mer.
En ce qui concerne la rubrique (1) ci-dessus « … commanda un des deux bateaux commerciaux qui accompagnaient Pigneau de Béhaine avec le vaisseau La Méduse au Viêt Nam ».
Lisons l’évêque Pigneau de Béhaine [Voir Launay, Histoire de la mission de Cochinchine 1658-1823, Volume III, Documents historiques 1771-1823, Editeur C. Douniol et Retaux, Paris, 1925, réédité par Les Indes Savantes en 2000, page 210] :
« …Le roi, sa mère, sa femme, toute sa famille et, en un mot, toute la Cour, ne savaient comment exprimer les sentiments de joie qu’ils ressentaient de nous revoir. La seule chose qui a pu servir à tempérer cette joie extrême, c’est que je sois arrivé avec une seule frégate, qui devrait partir sur le champ pour se rendre à Manille… ».
Donc J.M. Dayot « ne commanda pas un des deux bateaux commerciaux » pour « accompagner » l’évêque Pigneau de Béhaine.
** : De même pour Philippe Vannier et Julien Girard de l’Isle Sellé [Faure. Les Français en Cochinchine… Op.cit., page 217]. Vannier disait lui-même qu’il fut « employé de la Marine Militaire » [Salles, BAVH, op.cit. tome II, 1935, page 143].
1) La première mission confiée à monsieur J-M. Dayot et aux 4 autres Français (Vannier, de l’Isle Sellé, Guillon, Guilloux) par l’ordonnance du 27/06/1790 :
« Il est ordonné au sieur Jean-Marie Dagot (Dayot), capitaine des vaisseaux de S.M. (c’est le mot Cai Đội, Chef de Section. Voir l’explication plus haut), commandant de la division de deux bâtiments le Dong-nai et le Prince de cochinchine, et au mandarin Trung de remplir exactement les articles suivants :
1e Ils recevront à bord des vaisseaux ci-dessus 3,900 piculs de riz pour Macao, où ils les vendront pour le mieux et d’un commun accord ;
2e Ils permettront aux officiers mariniers, aux officiers de l’état-major et aux matelots de toucher le reste des appointements qui leur reviennent, pour huit mois, échus le premier juin dernier, qui montent à la somme de 3,848 piastres. Quant aux appointements courants, ils seront payés ici, à leur retour, sur le pied déjà convenu ;
3e Ils remettront de plus aux commissaires des vivres des deux bâtiments, au 1er d’août prochain, la somme de 300 piastres par mois, pour fournir à la subsistance des deux bâtiments, tant qu’ils seront en voyage ;
4e Ils feront toute la diligence possible pour recouvrer à Macao l’argent des 5,000 pieds d’arecs, à 3 piastres le pied, qu’Antoine-Vincent de Rosa doit à S.M. plus une ancienne dette du même 6,208 piastres ; plus l’argent des 1,908 piculs d’arec, à 3 piastres le picul, que doit aussi à S.M. son client Antoine Milner de Macao : toutes ces sommes réunies font ensemble 26,933 piastres et 4 condorins. De l’argent qu’ils pourront retirer, tant des marchandises que de la dette, le capitaine Jean-Marie Dagot (Dayot) tirera les 3,848 piastres moins un quan, dont il fera l’usage ci-dessus et remettre le reste entre les mains du mandarin Trung, qui en prendra soin.
Ils se rendront ensuite à Manille, ou, après en avoir demandé la permission à M. le gouverneur, ils caréneront les deux vaisseaux, les pourvoiront de voiles, cordages et autres agrès nécessaires ; achèteront 500 piculs de soufre et un chargement de riz qu’ils reporteront à Macao, où ils en feront le même usage qu’auparavant. Avec l’argent qui restera, et dont ils tiendront un compte exact, ils achèteront 1,000 pics de fer, 500 pics de clous de toute grandeur, de bons fusils et des canons de 12 livres de balles et au-delà.
Ils partiront de Macao, de manière à pouvoir revenir ici, au plus tard vers le milieu de janvier prochain. S’ils trouvaient un grand et bon vaisseau, muni de toutes les choses nécessaires, et pouvant porter au moins 40 mille de canjus, il leur est permis d’en donner jusqu’à 40,000 piastres, à condition cependant que le dit vaisseau ne sera payé qu’en trois termes : 1e 10,000 piastres, argent comptant ; 2e 5,000 piculs de riz, au retour du capitaine Dagot (Dayot) ici ; 3e le reste de la somme, au mois de juin prochain.
Ils auront soin de garder exactement tous les articles ci-dessus, et si par leur négligence ou leur faute, ils viennent à y manquer, ils se rendront coupables d’une grande faute.
Saïgon, le 15e jour de la 5e lune de la 51e année de Canh-Hung (27/06/1790).
(Sceau du Conseil.) [Louvet, La Cochinchine Religieuse, op.cit. pages 533, 534].
Cette mission fut correctement exécutée, avec soin, par Jean-Marie Dayot.
2) La deuxième mission fut confiée à Jean-Marie Dayot en 1792. Mais cette fois-ci J.M. Dayot détourna les fonds.
Ce fut, à peu près, la même mission que la première, mais cette fois-ci, J-M. Dayot commit le méfait de détourner les fonds. Lisons la lettre de Labousse à M. Letondal, procureur à la Mission de Macao, le 17 juin 1792, dans Histoire de la mission de la Cochinchine 1658-1823, Volume III, Documents historiques 1771-1823, op.cit., de monsieur Adrien-Charles Launay, page 296:
« … Le malheureux voyage de M. Dayot à Macao et à Manille et ses comptes exorbitants ayant dégouté le roi, pour ne rien dire de plus, ce prince, dans un moment de mauvaise humeur, fit dire aux matelots qui demandaient tous à s’en aller qu’il leur en donnait la liberté, non seulement à eux, mais aussi à tous leurs officiers. Ceux-ci n’ont pas attendu que le roi les congédiât : ils ont demandé la permission de s’en retourner et ils l’ont obtenue… »
Et la lettre de Labousse à M. Boiret du 20 juin 1792 [Launay, Histoire de la mission de la Cochinchine op.cit., page 296] :
« … Le départ de tous nos Messieurs français qui ont demandé et obtenu la permission de s’en retourner, a eu grande partie déterminé Sa Grandeur (Pigneau de Béhaine) à solliciter de nouveau l’agrément du prince pour se retirer. Le roi le lui a accordé ; mais il n’a pas tardé à s’en repentir et a changé d’avis… »
Depuis son retour en Cochinchine au mois de juillet 1789, l’évêque d’Adran se trouva dans une situation difficile :
Il a essuyé un échec dans la mission de secours en France. Il était le père spirituel d’une bande d’aventuriers français indisciplinés (leur incontinence et leurs désordres) [Launay, op.cit, page 209 et Cadière, BAVH, IV, 1926, op.cit., page 365] qui agaçaient les autorités locales. Sa volonté était de se mêler de plus en plus aux affaires politiques et militaires que Nguyên Anh refusait. A un moment il a proposé d’attaquer tout de suite les Tây Son, pour permettre à ses missionnaires d’exercer librement leur « mission » sur un territoire conquis par ces derniers. Enfin et surtout ce qui incitait l’évêque d’Adran à s’en aller, c’était la nouvelle que Quang Trung (le 2e empereur des Tây Sơn, empereur du nord de l’Annam et du Tonkin) [Maybon, op. cit. Manifeste de Quang-Trung, Roy de la Haute-Cochinchine et du Tonkin à tous les Mandarins, Soldats et Peuple des Provinces de Quang-Gai (Quảng Ngãi/Nghiã) et de Quin-Hone (Quy Nhơn), le 27 août 1792, tiré des Nouvelles des Missions Etrangères de 1802, traduction faite par M. de la Bissachère, pages 173 à 176] s’apprêtait à attaquer la Cochinchine via le Laos et le Cambodge, car il voulait éviter Quang Trung pour pouvoir revenir en Cochinchine, en cas de défaite de Nguyên Anh; il pensait aussi que s’il ne partait pas, Quang Trung ne lui pardonnerait pas, ni à lui, ni à ses protégés « Français au service de Gia long ». Quang Trung mourut subitement au mois de septembre 1792.
En ce qui concerne les français, ils ont été priés de quitter le territoire à cause de leurs actes et faits qui n’étaient pas convenables. Ils n’étaient pas contents de leurs soldes, même payés 3 fois plus que leurs collègues vietnamiens (150 piastres/mois contre 50 piastre/mois ; même pour le riz) [Maybon, La Relation sur le Tonkin…op.cit. page 95], et de surcroit, ils pouvaient utiliser des navires qui leur avaient été confiés pour faire le commerce à leur compte [Voir Léopold Cadière, Les Français au service de Gia-Long, Leur Correspondance, lettres de Barizy, Chaigneau…, BAVH, tome IV, 1926, pages 363 et suivantes], car ils voulaient faire fortune immédiatement. Et enfin, avec la nouvelle de l’attaque de Quang Trung, ils ne voulaient pas mourir pour une bataille qui ne les concernait pas.
Mais les problèmes militaires étaient très tendus. Les Tây Sơn avaient les pirates de mer chinois et les minorités montagnardes pour alliés [Voir Murray, Dian H. Prirates Of The South China Coast 1790-1810, op.cit., et Nguyễn Duy Chính, Việt Thanh Chiến Dịch (Campagne des Qing au Vietnam 1788-1789), op.cit.]. Dans ces conditions, pour faire bonne mesure, Nguyên Anh devrait se montrer que lui aussi, avait des Européens comme alliés, même s’il n’avait qu’une poignée de ces aventuriers, pour soutenir le moral du peuple de la Cochinchine, car ce dernier avait peur de la brutalité des Tây Son. En effet, avec leurs alliés, ils avaient massacré plus de 10 000 civils dont une grande partie était d’origine chinoise, au mois de mai 1782, lors de leur attaque de Gia Dinh au mois d’avril de la même année [Voir Annales de Gia long, op.cit., tome 1, page 188]. C’était de la propagande militaire et c’était une faute politique grave de laisser partir tous les français, surtout leur père spirituel, l’évêque Pigneau de Béhaine ; Nguyên Anh dut se réconcilier avec l’évêque et ferma les yeux sur le détournement des fonds de J.M. Dayot, mais au lieu de l’envoyer à l’étranger pour faire le commerce, Nguyên Anh lui ordonna avec les 4 autres français précités, sous ses ordres, d’utiliser ces deux navires, à des fins de ravitaillement pour les différentes campagnes.
3) Mission de ravitaillement.
Lisons Georges Taboulet dans La Geste (Quelle Arrogance !) Française en Indochine. Editeur Adrien-Maisonneuve. 1955, Paris, page 250, 251 :
… « Employé dans la marine du Roi et commandant les vaisseaux européens (il s’était vanté, car en vérité, il ne fut responsable que 2 navires, le Dong Naï et le Prince de Cochinchine) qui faisaient la principale force de son armée, j’étais obligé de sortir toutes les campagnes, qui duraient ordinairement de mai à octobre. Cinq ans de suite j’ai parcouru la côte, du Nord au Sud et du Sud au Nord, avec l’armée. La quantité si nombreuse de bateaux qui étaient avec l’armée à sa suite, pour lui porter les vivres nécessaires et ceux de l’armée de terre, qui suivait ordinairement le long de la côte, nous obligeait à mouiller tous les soirs, pour rassembler un convoi souvent de plus de mille voiles. Nous étions aussi obligés de séjourner parfois plusieurs jours de suite dans le même endroit, pour attendre l’armée de terre et lui distribuer des vivres… » (Mémoire sur la côte et les ports de Cochinchine par M. Dayot, mandarin à la Cour de Cochinchine, pendant les années 1791-1792-1793-1794 et 1795. Archives du Ministère de la Marine… daté de Macao le 1/11/1807).
Comme J.M. Dayot était affecté au service du ravitaillement, il ne pouvait pas participer directement à la bataille de Thị Nại, au mois de Juillet 1792 (rubriques (3) et (5) ci-dessus) et surtout ce fut une « opération éclair » qui ne dura que 10 jours [Annales de Gia Long, tome 1, page 258] et les troupes furent très bien équipées de vivres et de munitions pour une dizaine de jours. De plus, Nguyên Anh n’avait pas désigné de grands mandarins pour s’occuper du ravitaillement [Annales de Gia Long, 1ère réédition 2001, op.cit., tome 1, page 258], comme pour les campagnes de Quy Nhơn, de Juin à Octobre 1793 et de Diên Khánh de Juin à Septembre 1794 [Annales de Gia Long, tome 1, op.cit., pages 263 et 277].
Le nom de J.M. Dayot n’est pas cité dans les Annales de Gia Long retraçant les batailles de Thị Nại au mois de Juillet 1792, et de Quy Nhơn durant les mois de Juin à Octobre 1793. Les Chroniques Véridiques du Đại Nam retracent presque tous les faits historiques, mais très sommairement. Pour chaque fait, en moyenne, il y a une quinzaine de caractères, en écriture démotique sino-vietnamienne. Le nom (ou plutôt le prénom, car on ne connaît pas le vrai nom de famille) du français Manuel ou Emmanuel (Mạn Hòe en vietnamien et 幔槐 en écriture démotique sino-vietnamienne) est écrit dans les Annales de Gia Long [Edition 2001, op.cit., tome 1, page 188], retraçant la bataille de Ngã Bảy, au mois d’Avril 1782. Manuel fut élevé au grade Khâm Sai Cai Cơ An-Hòa Hầu 欽差該奇安和, 3e rang, 1ère classe, équivalent au grade de Colonel d’aujourd’hui (traduit par le père Léopold Cadière, BAVH, tome I, 1920, page 174 comme Commandant de régiment, Délégué Impérial, Marquis de An-Hoa) et est mort sur le champ de bataille. Sa tablette funéraire a été honorée au temple Hiển Trung (Glorieux Fidèles Sujets/Sujets Fidèles de Renom) à Saïgon, il a été élevé à titre posthume au grade de Chưởng Vệ 掌衞, 2e rang, 2e classe, équivalent au grade de Général de Brigade d’aujourd’hui.
La première bataille de Quy Nhon se passa en 1793 et dura de Juin à Octobre 1793. Si J.M. Dayot avait participé à bataille, il aurait été dans le service de ravitaillement, sous l’autorité du Hộ Bộ Phan Thiên Phước et du Tham Tri Nguyễn Đức Chí (Hộ Bộ : Ministre des Finances, 2e rang, 1ère classe ; Tham Tri : Secrétaires d’État, 2e rang, 2e classe) [Annales de Gia Long, op.cit., tome 1, page 263]. Le ravitaillement des vivres et des munitions de la Bataille de Diên Khánh de Juin à Septembre 1794, fut confié aux Hộ Bộ Trần Đức Khoan, Tham Tri Nguyễn Văn Mỹ [Annales de Gia Long, op.cit., tome 1, page 277].
La bataille de Thị Nại au mois de Juillet 1792 a été confiée aux généraux Nguyễn Văn Thành, commandant du vaisseau Long Phi (Le Dragon-Volant,) Phạm Văn Nhơn, Nguyễn Văn Trương, commandant du vaisseau Phượng Phi (Le Phénix-Volant) et l’amiral Nguyễn Kế Nhuận. Par cette « opération éclair » 5 vaisseaux, 70 galères des Tây Son furent coulés et 3 vaisseaux des Tề Ngôi (Tề Ngôi hải phỉ 齊 桅 海 匪, pirates de mer chinois) furent capturés [Annales de Gia Long, 1ère réédition, tome 1, op.cit., page 258]. Maybon reprochait aux Annales de Gia Long de n’avoir pas parlé des Français participant à cette campagne. Mais comme en réalité ils n’avaient en aucune façon pris part à cette opération, comment les Annales de Gia Long pouvaient-elles faire mention de la présence des Français dans cette action militaire ? Un désir, une ambition, un rêve caressé par Maybon que toutes victoires militaires de Nguyên Anh soient dues aux Français.
Les vaisseaux Long Phi (Le Dragon-Volant), Phượng Phi (Le Phénix-Volant), Bằng Phi (L’Aigle-Volant) furent sous le commandement des Français Jean-Baptiste Chaigneau, Philippe Vannier et Godefroy de Forçanz, seulement au début de 1800 [Annales du Dai Nam, tome 1, page 368], ils avaient participé à la campagne de Thị Nại au mois de mars 1801, sous les ordres de Nguyễn Văn Trương [Annales du Dai Nam, tome 1, page 392], mais ils ne participèrent pas directement à la bataille, ils avaient pour mission de protéger le centre de commandement où siégea Nguyên Anh, et d’escorter des bâtiments participant à l’opération, comme l’avait précisé Léopold Cadière [Documents Relatif à l’époque de Gia-Long, Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, BEFEO, page 46] :
… « Les officiers français, MM. Chaigneau, Vannier et de Forçanz, qui commandent les trois vaisseaux, le Dragon, le Phénix et l’Aigle, furent de cette expédition. Ils accompagnèrent le Roi chacun avec un bateau bien armé, et ce fut eux qu’il chargea de faire entrer toutes les galères. »…
Les historiens et les auteurs coloniaux français ne font mention que des trois vaisseaux le Dragon-Volant, le Phénix-Volant et l’Aigle-Volant, car ils furent commandés par les Français (à partir du début de 1800), et passent sous silence la présence dans les campagnes d’autres vaisseaux non commandés par les Français.
Notons aussi que les vaisseaux Phượng Phi (Le Phénix-Volant), et Bằng Phi (L’Aigle-Volant), armés d’une vingtaine de canons avaient été construits ou achetés par Nguyên Anh et commandés par les Vietnamiens, avant le 09/04/1785, date où il se réfugia au Xiam (Thailand), donc bien avant l’arrivée des Français [Annales de Gia Long, op.cit., tome 1, page 199].
Voici quelques vaisseaux « cuivrés » (terme donné par le père Cadière) que possédait Nguyên Anh avant 1785 : Phượng Phi, Bằng Phi, Hùng Trì (L’ours-Poursuivant), Chính Nghi (Le Majestueux), et d’autres, après 1785 : Long Phi, Long Ngự (Le Dragon-Royal), Long Hưng (Le Dragon-Surgissant), Long Thượng (Le Dragon-Eminent), Long Đại (Le Grand-Dragon), Long Nhất (Le Premier-Dragon), Long Nhị (Le Deuxième-Dragon), Long Tam (Le Troisième-Dragon), Phượng Đại (Le Grand-Phénix), Phượng Nhị, Hồng Đại (La Grand’Oie), Hồng Nhị, Hồng Tam, Loan Đại (Le Grand-Phénix-Femelle), Loan Nhất, Loan Nhị, Bằng Đại (Le Grand-Aigle), Bằng Nhất, Bằng Nhị, Bằng Tam…[Chroniques Véridiques, tome 1, pages de 182 à 199].
D’ailleurs, d’après le père Léopold Cadière dans Documents relatifs à l’époque de Gia-Long, BEFEO, op.cit., page 73, note 1, on lit :
« … Les services que les frères Dayot ont rendus au Roi de Cochinchine paraissent avoir été d’ordre purement commercial. Les Archives du Séminaire de Paris, vol. 312, renferment un bon nombre de lettres d’eux [signées souvent J. M. et Félix Dayot], mais ce ne sont que de courts billets traitant d’affaires d’argent… »
Le « Giac mua (guerre des saisons) » (rubrique (4) ci-dessus) est le « Gió Mùa (la Mousson), connu depuis très longtemps par les vietnamiens pour faire du commerce et faire la guerre, ils n’avaient pas besoin de monsieur Dayot pour leur apprendre ce phénomène naturel.
La Mousson est un vent provenant du Nord-Est soufflant de Décembre jusqu’à Avril et venant du Sud-Est, sévissant de Juin à Octobre. Les Tây Son, et Nguyên Anh avaient utilisé ce phénomène naturel pour planifier leurs campagnes d’invasion, comme les attaques de Gia Định des Tây Son en 1777 au mois de Février, en 1782 au mois d’Avril, en 1783 au mois de Février, en 1785 au mois de Février… et Nguyên Anh, pour les campagnes de Thị Nại, Quy Nhơn, Phú Xuân, en 1792 au mois de Juillet, en 1793 au mois de Juin, et en 1801 au mois de Juin.
4) J.M. Dayot a fait sombrer son navire et fuit vers Macao (rubrique (7) ci-dessus).
Juste avant le plan de Nguyên Anh d’aller porter secours à la citadelle de Diên Khánh, au mois d’avril 1795, encerclée par les Tây Sơn depuis le mois de février 1795, le vaisseau, sous la responsabilité de monsieur J.M. Dayot s’échoua. Il fut arrêté et emprisonné, en attendant le jugement de la Cour.
Lisons la lettre du père Lavoué à monsieur Letondal, procureur des Missions Etrangères à Macao, le 27 avril 1795 [Launay, Histoire de la mission de Cochinchine, op.cit., page 302] :
… « Le roi venait de s’emporter contre les Européens qui sont à son service, et en avait fait emprisonner deux : M. Dayot et son premier maître, dont le vaisseau venait d’échouer et s’était beaucoup endommagé ; on avait apporté au prince qu’il ne pourrait plus s’en servir, ce qu’il avait tellement courroucé qu’il se permit, dans de premier mouvement de colère, plusieurs paroles malséantes contre les Européens ; il s’en est repenti après et s’en repent encore vraisemblablement, car depuis ce moment ses affaires vont toujours de mal en pis. (?) »…
La fuite de J.M. Dayot qui s’était accomplie, très probablement, avec la complicité de quelques français, a été relatée dans la lettre du père Le Labousse à M. Letondal, le 22 juin 1795 [Cadière. Documents relatifs à l’époque de Gia Long, Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient. Tome 12, 1912, page 35] :
…« Le Roi [Gia-long] voilà en une bien mauvaise passe …. Voilà tous les Européens qui s’en vont. J’ai peur que ce ne soit là notre avant-garde…. Monseigneur [d’Adran] a un bon bateau tout préparé. . . .
Vous allez voir arriver à Macao M. Olivier [Olivier de Puymanel] avec M. Dayot, qui doit s’enfuir de son vaisseau, quand il sera rendu au port Saint-Jacques. Cette fuite coûtera probablement bien cher au service du Roi.
Sur le vaisseau de M. Olivier se trouve M. Chaigneau, de mon pays. Je vous le recommande : c’est un bien digne jeune homme, qui, par son honnêteté, sa douceur, sa religion, nous a beaucoup édifiés; il fait honneur à l’éducation qu’il a reçue. Il part avec nos regrets. Vous l’aurez bientôt connu. Cultivez cette plante, qui promet de si bons fruits. Je désire beaucoup qu’il puisse trouver à Macao une occasion pour repasser en France, de peur qu’en naviguant longtemps, sa vertu ne fasse enfin un triste naufrage comme celle de tant d’autres » …
Monsieur Olivier de Puymanel, volontaire 2e classe, déserteur de la Dryade le 19/09/1788, à Poulo Condor [Voir Les Français en Cochinchine au XVIIIe Siècle : Mgr Pigneau de Béhaine Evêque d’Adran de Alexis Faure. Pièces Justificatives. Editeur Augustin Challamel, 1891 Paris, page 242], se trouvait avec l’évêque Pigneau de Béhaine et le prince héritier Nguyễn-Phước Cảnh de retour de France pour la Cochinchine, sur le même navire, la Dryade, qui quitta Lorient le 27/12/1787. Il avait appris sommairement l’artillerie avec une équipe d’artillerie embarquée sur la même frégate. Il déserta à Poulon Condor le 19/09/1788, puis fut recueilli par le père Hồ Văn Nghị, un proche de l’évêque d’Adran, qui le présenta à Nguyên Anh au début de 1789. Il fut nommé Cai Đội et probablement anobli au titre de Tín … Hầu (Marquis de Tin … (son titre de noblesse ne figure sur aucun document. Tín était son prénom en vietnamien). Il était chargé de poser des canons dans les ports et sur les vaisseaux de guerre. Ensuite, il a été affecté au service permanent d’arrière des troupes Thần Sách. Il a servi dans l’artillerie des différentes campagnes, dans les ateliers de munition, dans le commerce avec les pays voisins pour l’achat des équipements militaires. Il fut élevé au grade de Vệ Úy (3e rang, 1ère classe) au mois de juillet 1792, équivalent du grade de Colonel actuel [Voir Cadière, BAVH, tome I, 1920, page 168], il servait sous les ordres des généraux de Corps d’Armée Tôn Thất Hội, commandant du corps d’armée de front (1er rang, 1ère classe), Võ Tánh, commandant du corps d’armée d’arrière-garde (1er rang, 1ère classe), Nguyễn Huỳnh Đức, commandant du corps d’armée de droite (1er rang, 1ère classe) et Nguyễn Văn Thành, commandant du corps d’armée d’avant-garde (1er rang, 1ère classe) [Voir Annales de Gia long, tome 1, op.cit., pages 257, 258]. Olivier était « au service de Nguyên Anh » jusqu’en 1799 (10 ans) et décéda de la dysenterie le 23/3/1799 à l’âge de 31 ans à Malacca, lors d’une mission à Singapour pour l’achat d’armes [Voir Faure. Les Français en Cochinchine… op.cit., page 200]. C’était Olivier de Puymanel qui avait sauvé J.M. Dayot au large du Cap Saint Jacques lors d’une mission à Macao.
5) J.M. Dayot était un espion à la solde des Anglais à l’encontre de Nguyên Anh.
Dans Cadière, Documents relatifs à l’époque de Gia-Long, page 58, note 1 [Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, op.cit.,], on lit :
« Dayot devint bientôt odieux à Gia-long, auquel on rapporta qu’il était un agent des Anglais. C’est ce que nous apprend une lettre de M. Audemar, missionnaire en basse Cochinchine, adressée, la 6 juin 1808, au procureur des Missions Etrangères à Macao [Archives M-E, 801, p. 1253] ».
6) Installation à Manille.
Après la fuite vers Macao, monsieur J.M. Dayot et son frère, Félix s’étaient établis à Manille, occupée par les Espagnols, pour faire le commerce à leur compte.
7) Mission ordonnée par le Gouverneur de Manille au Vietnam.
Manille était un bon client et un des fournisseurs des matériels de guerre de Nguyên Anh. En 1804, elle fut rongée par une grande famine, et le gouverneur espagnol de Manille envoya J.M. Dayot au Vietnam pour acheter du riz. Comme il y avait de très bonnes relations entre les 2 pays, Nguyên Anh dut encore fermer les yeux sur la présence de Dayot sur son territoire. Au mois d’avril 1804 (3e Lune), les Annales de Gia Long, tome 1, op.cit., page 540, précisent :
« Lữ Tống bị đói, xin đong gạo ở Gia Định. Lưu trấn thần không muốn bán, đem việc tâu lên. Vua nói rằng : “Bờ cõi dù khác nhau, nhưng lấy lòng chung mà thương nhau, sao nỡ không ngó đến”. Bán cho 50 vạn cân gạo. »
Lữ Tống (Manille) accablée par la famine a sollicité la vente de riz à Gia Định. Son gouverneur a refusé et adressé son rapport à la Cour. Le roi répondit :
– Bien que nos pays soient différents, ayons en commun le coeur d’aimer nos semblables. Comment peut-on rester insensible à ce fléau ?
Il décréta la vente de 500 000 « cân » de riz (à Manille). [Traduit par moi-même. Un cân est environ de 600 g, soit au total, plus de 300 tonnes.].
Lisons aussi la lettre de l’évêque La Bartette à M. Foulon, procureur des Missions Etrangères à Macao, le 15 avril 1804 :
…« Ne voilà-t-il pas que le fameux M. Dayot, qui autrefois a demeuré ici si longtemps au service du Roi de Cochinchine du temps que Mgr d’Adran était encore à Đồng-nai, et qui s’en alla à cause de quelque mécontentement qu’il eut envers le Roi, ne voilà-t-il pas, dis-je, que ce Monsieur vient [1042] d’arriver à Tourane depuis environ dix jours ? Il est envoyé par le gouverneur de Manille et monte la corvette espagnole appelée la Princesse Royale. Il y vient pour une négociation bien importante, dit-on, savoir pour une association de commerce à former entre le Roi de Cochinchine et ledit gouverneur de Manille pour l’utilité des deux nations. Раиса intelligenti. Il faut que le mystère de l’ambassade anglaise auprès du Roi de Cochinchine ait été découvert par les puissances de l’Europe ; car M. Dayot porte pour nouvelle que la guerre est déjà déclarée depuis dix mois entre la France et l’Angleterre, que toute l’Europe suit le parti de la France et que l’Angleterre se trouve toute seule. Il porte encore pour nouvelle que cette année on attend à Manille l’arrivée de deux escadres, une française et l’autre espagnole. Le gouverneur de Manille informe le Roi d’ici du dessein des Anglais d’avoir un port en Cochinchine et lui suggère de ne pas le leur accorder. De plus, comme on craint à Manille qu’à l’arrivée des deux dites escadres on n’y manque du riz, M. Dayot demande à en acheter; le Roi a déjà donné la permission à M. Dayot d’aller à Đông-nai et d’en charger son vaisseau. Il parait que le Roi goût cette association proposée par le gouverneur de Manille. . . . (r)
[Archives M-E, 802, p. 1041-1042.] [Cadière, Documents relatifs à l’époque de Gia-Long, op.cit., page 58]
8) La mort de J.M. Dayot en 1809 [rubrique (9) ci-dessus].
Dans Cadière, Documents relatifs à l’époque de Gia-Long, op. cit, page 61, Lettre de M. Audemar, on lit :
« XLIV. — Lettre de M. Audemar,
De Cochinchine, le 18 avril 1811.
Il y a à peu près un an et demi que M. Dayot fit naufrage et se noya tout près d’ici avec sa femme et une vingtaine d’autres personnes. Ce fut bien sa faute, car il était tout près d’un petit port lorsque la première tempête d’automne le surprit en mer. Cette tempête était affreuse. Ses gens voulaient gagner le port; mais lui, insensé qu’il fut! que fit-il ? Il menaça le sabre en main de trancher la tête à celui qui tenait le gouvernail, s’il faisait tant que de diriger le bateau vers le port. Ainsi bientôt il fut submergé. Sept personnes environ d’entre l’équipage purent se sauver à la nage. Qu’il est à craindre qu’il ne soit mort comme il a vécu, en impie ! M. de Forsans vient de mourir aussi, et il est mort en réprouvé ; au moins nous n’avons aucune conjecture pour croire qu’il ait pu sauver son âme [Archives M-E, 801, p. i 342.J] ».
Dans une note d’Alexis Faure [Mgr Pigneau de Béhaine… op.cit., page 201], on lit « …Il se noya dans le golfe du Tonkin en 1809, alors qu’il était encore attaché au service du roi de la Cochinchine. ». C’est faux !
D’après Madame Thụy Khuê, J.M. Dayot ne voulait pas gagner le port, de peur qu’il n’ait pas été pardonné, cette fois-ci, par Nguyên Anh ?
Monsieur Audemar qualifiait sa vie comme sa mort, d’impie, et madame Thụy Khuê les qualifie d’amorales.
En 5 ans « au service de Gia Long », J.B. Dayot avait créé d’innombrables dégâts à son maître Nguyên Anh.
Les mots « dégoûté » (rubrique (8) ci-dessus) ou « écoeuré » (mot de Taboulet) s’appliquent-ils à JM. Dayot ou à Nguyên Anh ?
9) Service rendu par J.M. Dayot à la France (rubriques (6), (11) et (12) ci-dessus).
D’abord, à cette époque, le Viêtnam n’était pas dépendant du Royaume de France ! Ensuite, J.M. Dayot avait utilisé les biens de l’Etat de la Cochinchine (les 2 navires sous sa responsabilité, leurs équipages, les instruments de mesure…) pour faire des cartes au profil de la France !
Lisons une lettre de J.M. Dayot extraite par Maybon dans La Relation sur le Tonkin… op.cit., pages 30, 31, 32 :
… « Pendant leurs courses répétées tout au long des rivages annamites, non seulement « en suivant l’armée », mais encore au cours de leurs opérations de ravitaillement, les frères Dayot se livrèrent à un travail qui leur fait grand honneur : le levé des plans hydrographiques des côtes et des ports. C’est Renouard de Sainte-Croix lui-même qui porta en France le mémoire et les cartes de Dayot. Dans une lettre que celui-ci écrit de Macao le 15 novembre 1807, c’est-à-dire sans doute peu de temps après que Sainte-Croix eût quitté la ville, on peut lire ces lignes curieuses : « Mes faibles talents ne me permettent pas d’aspirer au titre de correspondant d’un corps aussi savant (l’Institut), mais si j’étais assez heureux pour qu’on voulût agréer l’hommage du fruit de mes travaux, je pourrais envoyer des observations intéressantes sur des sujets que me fournirait ce pays pour ainsi dire inconnu et qui seraient toujours intéressants par leur objet s’ils ne pouvaient l’être par mes faibles lumières. Au reste, mon cher de Sainte-Croix, je suis bien persuadé d’avance des soins que vous me donnerez ; ils seront empressés et délicats. Je vous confie le fruit d’un travail assez rude de six années, tout ce que vous ferez sera bien fait et si les circonstances s’opposaient à ce que votre amitié vous dictera de faire pour moi et au désir que j’ai d’être utile à ma patrie, rien ne pourra diminuer ma reconnaissance ni altérer les sentiments que je vous ai voués pour la vie. »
Sainte-Croix remit fidèlement le dépôt dont il était chargé. Le gouvernement décida d’offrir à Dayot, en 1820, un cercle astronomique ; mais la récompense vint trop tard, Dayot était mort depuis 1809. Il n’eut pas non plus la satisfaction de voir ses cartes publiées par le Dépôt de la Marine, en 1818, ni de connaître l’appréciation élogieuse qu’en faisait Abel Rémusat… ».
Sous le règne de Tự Đức (arrière-petit-fils de Nguyên Anh), l’alliance franco-espagnole avait utilisé ces cartes que Nguyên Anh n’avait jamais vues, pour attaquer le Viêtnam, dans les années 1858-1860. La question se pose : J.M. Dayot avait-il prêté allégeance au Viêtnam ou à la France ? (Voir rubrique 12 ci-dessus).
Deuxième Partie : Origines des duperies.
Nguyễn Vĩnh-Tráng
Eté 2017.
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Portrait de Nguyên Anh, d’après l’imagination d’un dessinateur inconnu.
[Portrait tiré de : https://vuthethanh.com/2017/01/08/nhin-lai-su-lieu-viet-ve-nguyen-hue-quang-trung-va-gia-long-nguyen-anh-1/]
Références bibliographiques :
– Barrot Odilon. Recueil général des lois, décrets, ordonnances, etc: depuis le mois de Juin 1789 jusqu’au mois d’Août 1830. Tome sixième. Editeur : A l’Administration du Journal des Notaires et des Avocats. Rue Condé N° 10 – 1839 – Paris.
– Barrow John. Voyage à la Cochinchine, par les îles de Madère, de Ténériffe et du Cap Vert, Le Brésil et l’Ile de Java. (Traduit de l’Anglais, avec des notes et additions par Malte-Brun). 2e Tome. Editeur Arthus-Bertrand. Paris, 1807.
– Cadière Léopold. Documents Relatifs à l’époque de Gia-Long, Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, BEFEO. Tome 12. Paris, 1912.
– Cadière Léopold, Cosserat Henri, Salles André, Sogny Léon. Bulletin des Amis du Vieux Huê, BAVH 1914, 1917, 1920, 1926, 1934, 1939.
– Faure Alexis. Les Français en Cochinchine au XVIIIe Siècle : Mgr Pigneau de Béhaine Evêque d’Adran. Pièces Justificatives. Editeur Augustin Challamel. Paris, 1891.
– Launay Adrien, Histoire de la mission de Cochinchine. Documents historiques 1771-1823. Editeur C. Douniol et Retaux, Paris, 1925, réédité par Les Indes Savantes (Missions Etrangères de Paris). Volume 3. Paris, 2000.
– Louvet Louis-Eugène. La Cochinchine Religieuse, tome I. Editeur Ernest Leroux. Paris, 1885.
– Maybon Charles B. Histoire Moderne du Pays d’Annam (1592-1820). Librairie Plon. Paris, 1919.
– Maybon Charles B. La Relation sur le Tonkin et la Cochinchine de M. de La Bissachère, missionnaire français (1807). Librairie ancienne Honoré Champion. Paris, 1920.
– Monnier Marcel. Le tour d’Asie, Cochinchine, Annam, Tonkin. Librairie Plon. Paris, 1899.
– de Montyon Jean-Baptiste. Exposé statistique du Tunkin, de la Cochinchine, du Camboge, du Tsiampa, du Laos et du Lac-Tho. 2 volumes. Imprimerie de Vogel et Schulze, 18 Poland Street. Londres, 1811.
– Murray Dian H. Prirates Of The South China Coast 1790-1810. California, Stanford University Press, 1987 (traduit en vietnamien par Ngô Bắc).
– Taboulet Georges. La Geste Française en Indochine. Editeur Adrien-Maisonneuve. Paris, 1955.
– Đại Nam Thực Lục Chanh Biên, 大南寔錄正編, (Chroniques Véridiques du Dai Nam ou Annales du Dai Nam). Nhà Xuất Bản Khoa Học Xã Hội, Hanoi, (Edité par le Service des Sciences Sociales, Hanoï, rééditée pour la 1ère fois, en 2001), 10 tomes.
– Đại Nam Liệt Truyện, 大南列傳, (Biographies du Dai Nam), 4 tomes. Editeur Thuận Hóa. Huế, 1993.
– Khâm Định Đại Nam Điển Lễ Sự Lệ, 欽定大南典禮事例, (Protocoles impériaux du Dai Nam), 16 tomes. Editeur Thuận Hóa, Huế. 1993.
– Đào Duy Anh. Hán Việt Từ Điển, 漢越辭典, (Dictionnaire Chinois-Vietnamien). Editeur Trường Thi, Saigon, 3e réédition, 1957.
– Nguyễn Duy Chính, Việt Thanh Chiến Dịch (Campagne des Qīng au Vietnam 1788-1789). (Sur Internet).
– Nguyễn Quốc Trị. Nguyễn Văn Tường (1824-1886) và Cuộc chiến chống Đô Hộ Pháp của nhà Nguyễn (Nguyên Van Tuong (1824-1886) et la Lutte contre la Domination Française de la Dynastie des Nguyên), 2 volumes, parus en 2013 à Maryland, USA.
– Phan Huy Chú. Lịch Triều Hiến Chương Loại Chí, 歷朝憲章類誌, (Chartes de Gouvernance à travers les Dynasties), ouvrage compilé de 1809 à 1819, traduit par l’Institut d’Histoire, Hanoï, 1960, 5e Réédition en 2005, tome 1.
– Sử Ký Đại Nam Việt, (Histoire du Dai Nam Viêt – Grand Viêt du Sud). 4e Réédition. Imprimerie de la Mission. Tân Dinh, Saigon, 1903.
– Thụy Khuê. Khảo sát công trạng của những người Pháp giúp vua Gia Long (Examen des mérites des Français au service de l’empereur Gia Long), édité au mois de septembre 2015, Paris.
– Vũ Văn Kính. Đại Tự Điển Chữ Nôm 大字典 字宁 喃 (Grand Dictionnaire de Démotique sino-viêtnamien). Editeur Văn Nghệ, Hochiminhville, 1999.
2 Comments
Võ Văn Rân
Kính Dr Nguyễn Vĩnh Tráng
Lâu lắm mới nhận được bài viết cuả Dr, mặc dù tuổi đã cao, nhưng vẫn luôn hướng về quê hương, với bài viết vô cùng giá trị, để lớp trẻ có nhận định chính xác hơn về lịch sử VN. Thú thật với Dr. Pháp văn là sinh ngữ chính cuả tôi, nhưng nay không còn bao nhiêu, đọc sơ qua chỉ hiểu được phần nào, nên xin phép Dr được lưu lại để làm kỷ niệm.
Kính chúc Dr sức khỏe dồi dào và viết nhiều bài giá trị khác
Kính
Võ Văn Rân
Nguyên Vinh-Trang
Kính xin cám ơn GS. Toán Học Võ Văn Rân rất nhiều, đã khuyến khích tôi.
Đọc lại bài nầy, tôi thấy tôi viết lầm, vì vô ý, chữ « Bibliographies » trong hàng « Le Đại Nam Liệt Truyện 大南列傳 (Bibliographies du Dai Nam) en 1993 » ở trên, nay tôi xin sửa lại là « Biographies ». Kính xin quý vị độc giả lượng thứ cho lỗi lầm của tôi ở trên. Kính xin đa tạ.
Kính,
Nguyễn Vĩnh-Tráng.