Des chercheurs du CNRS ont montré que des particules sont capables de voyager plus vite que la lumière.
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Malgré cela, le travail des chercheurs français paraît très solide. Il a résisté à six mois de vérifications par des collègues extérieurs appelés à la rescousse pour tenter de découvrir un biais, une erreur dans l’expérience. «C’est si énorme qu’on a la trouille de s’être trompés quelque part, explique Stavros Katsanevas, directeur adjoint de l’IN2P3 (l’institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS). Depuis les premiers résultats, en mars dernier, nous avons fait des vérifications au niveau du CNRS, puis après au niveau de l’expérience internationale Opera, qui travaille sur le détecteur de neutrinos. On n’a rien trouvé, et comme l’information commençait à fuiter, on a décidé de la rendre publique maintenant.»
Un décalage infime
La violation de la vitesse de la lumière a été observée sur un faisceau de neutrinos, des particules ultralégères qui n’interagissent presque pas avec la matière, produits par l’accélérateur du Cern, près de Genève, et détectés sous la montagne du Gran Sasso, dans les Apennins, au centre de l’Italie. On s’attendait à ce que les neutrinos traversent sans encombre les 731 kilomètres de croûte terrestre qui séparent les deux installations scientifiques à une vitesse proche de celle de la lumière, soit un trajet d’au moins 2,5 millièmes de seconde. Les neutrinos sont des particules élémentaires presque insaisissables produites en d’immenses quantités par les réactions nucléaires, comme celles qui se produisent dans les centrales nucléaires ou au cœur du Soleil. Chaque seconde, 65 milliards de neutrinos émis par notre étoile traversent chaque centimètre carré de la surface terrestre, et seulement 1 sur 10.000 milliards de ces particules est interceptée par un atome de notre planète.
Mais à l’immense surprise de Dario Autiero et de ses collègues lyonnais, les neutrinos arrivaient sur le détecteur Opera, dans le laboratoire du Gran Sasso, en moyenne avec 60 nanosecondes (60 milliardièmes de seconde) d’avance par rapport à la lumière. Un décalage qui paraît infime, mais qu’aucune théorie actuelle n’est capable d’expliquer.
Il n’y a pas eu à proprement parler de course entre photons (ou grains de lumière) et neutrinos, mais les chercheurs ont chronométré le trajet des faisceaux de particules avec une très grande précision. En se calant sur l’horloge atomique d’un satellite GPS visible au même moment sur les deux sites, les horloges du Cern et du Gran Sasso ont été calées avec une précision meilleure qu’un milliardième de seconde. Au total et en prenant en compte divers effets des instruments de mesure, l’équipe estime que l’incertitude de la mesure est meilleure, de l’ordre d’une dizaine de nanosecondes, soit bien moins que les 60 nanosecondes mesures. Le travail des physiciens de Lyon est donc largement assez robuste pour être publié, ce qui a été fait cette nuit sur le serveur public arXiv.
Cyrille Vanlerberghe
Grand reporter au service Sciences, Le Figaro